Certains ne voulaient pas y croire, pensant que les informations distillées depuis juillet dernier étaient le fruit d’une dramatisation excessive de la situation. Il faut aujourd’hui se rendre à l’évidence : l’heure est très grave car notre médecine libérale est en grand danger, et nous sommes les seuls à pouvoir la sauver par une forte mobilisation.
Sous le prétexte fallacieux, et surtout hors de propos, d’encadrer les dépassements d’honoraires et de sanctionner les dépassements « abusifs », c’est bien la destruction de notre médecine libérale qui est en question au terme d’un simulacre de négociation avec les syndicats médicaux qui seraient tous bien inspirés de confirmer leur refus de signature de la nouvelle version proposée pour la convention médicale.
Relayée par des médias, comme « Le Monde », « Que choisir », « Libération » ou “La Chaine Parlementaire”, qui n’ont aucun scrupule à se transformer en organes obséquieux et hyperactifs d’une propagande gouvernementale truffée de contre-vérités, la réforme en cours a pour but de mettre entièrement sous tutelle les médecins libéraux. Comment Jean-Baptiste Chastand peut-il écrire sans s’étouffer de rire dans “Le Monde” du 16 octobre, reprenant les propos de Mathieu Escot, dans “UFC -Que choisir” : ” il est temps de mettre fin au laisser-faire bienveillant des pouvoirs publics alors que les tarifs des médecins ont été revalorisés plus rapidement que l’inflation depuis trente ans “.
Ce qui est annoncé c’est la limitation des dépassements d’honoraires à 150 % du tarif opposable au 1er janvier 2013, pour passer à 100 % au 1er janvier 2014. Bien évidemment, c’est tout simplement le secteur à honoraires libres qui est à terme, et sans doute à très court terme, destiné à disparaître totalement, ce dont la ministre n’a même plus l’audace de se cacher.
Aucune revalorisation des tarifs opposables n’est en revanche clairement définie, en dehors de la promesse qui sert de carotte aux seuls médecins qui auraient la candeur de s’engager dans le contrat de dupes également appelé « contrat d’accès aux soins ». Ce contrat d’accès aux soins est réservé aux médecins du secteur 2, cette « aubaine » étant refusée à ceux actuellement en secteur 1.
Aucune proposition n’est faite pour rouvrir l’accès au secteur 2 pour les médecins qui avaient eu la naïveté de croire, en s’engageant dans le secteur 1 en 1990, que ce choix était réversible.
Aucune perspective n’est offerte aux étudiants en médecine dont on sait que seulement 8 à 9% d’entre eux choisissent aujourd’hui l’installation libérale. Si l’on tient compte de ceux d’entre nous qui, proches de la « sortie », vont jeter l’éponge par dégoût et par lassitude, nous ne sommes pas près de régler le problème des déserts médicaux, et les patients auront pour le coup de vraies difficultés d’accès aux soins, faute de médecins.
A côté du flou sur les questions qui nous préoccupent vraiment, le dispositif organisant les sanctions pour les odieux profiteurs du secteur 2 est en revanche très bien détaillé, au travers de commissions soi-disant paritaires, dans lesquelles le médecin mis en cause n’a en réalité aucune chance d’échapper à des sanctions qui peuvent aller de l’interdiction d’exercice au déconventionnement en passant par la condamnation à être rétrogradé en secteur 1. Au bout de la procédure, quelle qu’en soit l’issue, c’est de toute façon le directeur national de l’assurance maladie qui aura le pouvoir ultime de décision, faisant de facto de lui le chef suprême de la révolution médico-libérale.
La volonté dogmatique de la ministre de détruire un système évidemment imparfait mais irremplaçable par un service public au bord de l’implosion est assez déconcertante, et la collusion avec la Mutualité est tout aussi déconcertante alors que le remboursement des dépassements d’honoraires ne représente même pas le tiers du budget de fonctionnement des mutuelles.
A ceux qui s’interrogeaient sur l’intérêt de la date du 17 octobre comme date de fin du simulacre de négociations, la réponse se trouve dans le discours fait par notre ministre de tutelle (c’est le cas de le dire) à la Mutualitéle 18 octobre, visible sur le site de l’UCDF. On y découvre Marisol Touraine mettant fin avec gentillesse et dévotion, sous le regard ému du patron de la Mutualité, à l’obligation de transparence comptable des mutuelles qui vont donc pouvoir se « lâcher » encore plus qu’avant sur les budgets publicitaires. Il est vrai que c’est beaucoup plus intéressant pour elles que de permettre à leurs assurés d’accéder à une médecine de qualité en remboursant les compléments d’honoraires !
L’heure n’est plus aujourd’hui à la négociation puisque celle-ci se termine par des propositions indécentes. Le calendrier parlementaire prévoit la fin de la discussion au sénat le 9 novembre prochain. C’est la raison pour laquelle l’Union Des Chirurgiens de France a proposé un arrêt des soins à partir du 12 novembre prochain, et on ne peut qu’espérer qu’une union syndicale se réalisera sur ce mot d’ordre
Il est capital que tous les médecins de France se mobilisent pour exprimer ensemble leur refus de voir détruire un système libéral que rien ne remplace actuellement. Il ne faut pas tomber dans le piège de la division qui est l’espoir fondamental de nos dirigeants qui comptent sur l’individualisme légendaire des médecins, bien compréhensible puisque nous sommes une multitude d’auto-entrepreneurs.
N’opposons pas les médecins libéraux aux hospitaliers à secteur privés, épargnés par le projet actuel, mais dont le tour viendra rapidement ensuite.
N’opposons pas les spécialités entre elles même si les investissements en matériel différent d’une spécialité à une autre. Ce serait faire le jeu de ceux qui veulent nous diviser pour mieux régner.
N’opposons pas le secteur 1 au secteur 2 : tous les médecins du secteur font des actes en secteur 1, mais les compléments d’honoraires permettent des investissements qui profitent à tous.
N’opposons pas les généralistes aux spécialistes, nous faisons le même métier.
N’opposons pas les « grands » dépasseurs au cœur des grandes villes aux « petits » dépasseurs, car leur tour viendra aussi, et plus rapidement qu’ils ne le pensent puisque notre bien-aimée ministre ne cache pas son désir de voir tout simplement disparaître les dépassements d’honoraires.
N’opposons pas les parisiens aux provinciaux, c’est la France entière qui est au bord du gouffre en matière de médecine libérale.
Seul un arrêt massif des soins de ville peut infléchir le processus destructeur en cours. Les internes et les chefs de clinique amorcent le mouvement dès le 25 octobre et nous devrons sans doute les soutenir financièrement pour leur permettre de ne pas s’essouffler. Nous devons aussi les soutenir en arrêtant les soins afin de montrer à la France entière que la médecine libérale est un acteur indispensable de la santé en France.
Le 12 novembre, tout soit s’arrêter !
Docteur Arié Danan. Paris, le 21 octobre 2012
À fond dans le projet
Tout à fait d’accord, mais une grève est toujours mal comprise par les patients qui nous considèrent comme des nantis, ce qui correspond au message pervers distillé par les médias à la botte des gouvernements de droite et de gauche. Ne serait-il pas utile de préparer aussi une affiche claire à mettre dans les salles d’attente ? Chacun voyant midi à sa porte, il est important d’impliquer le devenir des patients dans le devenir de la médecine.
Il est clair que nous sommes victimes depuis quelques mois d’une campagne destinée à légitimer ce qui était en préparation, et certains médias complaisants y ont bien contribué. Nous sommes donc en déficit d’image, et tous les moyens sont bons pour communiquer avec nos patients. Mais nous avons aussi un message fort à faire passer à nos gouvernants pour arrêter ce qui est en cours.
La grève totale est souvent mal perçue et jamais complètement suivie..
Il faut en parallèle développer des actions locales, en informants nos patients
avec des tracts qui explique le conflit et qui permet au patient de comprendre ce qui se passe
avec un gouvernement antilibéral et des mutuelles cyniques !
La grève chirurgicale avec des actions ciblées dans les cliniques
et avec des médias locaux pour relayer notre action doit avoir un impact.
Le bras de fer ne fait que commencer, après la mort du secteur 2 viendront inexorablement les déconventionnements soit voulus par le praticien qui pourra se le permettre soit imposé par les directeurs de caisse…
La grève est le seul moyen de se faire entendre et si tout le monde s’y met, en 3 ou 4 jours on obtiendra tout ce qu’on veut; les autres se mettent tous en grève pour obtenir plus, nous c’est pour ne pas avoir moins.
Il y a longtemps qu’on aurait dû agir.
Merci pour ton message clair, précis et rassembleur. Car il faut rassembler sur le thème de la survie de la médecine libérale: tout le monde dans le même bateau!
Au niveau communication, je trouve que l’on insiste pas suffisamment sur le rôle ambigu des mutuelles et notamment sur l’emploi pour le moins discutable qu’elles font des cotisations de leurs adhérents: elles sont là pour rembourser des soins et non faire de la pub ou des placements financiers!
Ce n’est pas faux, il y aurait à dire car les mutuelles ne sont pas toutes philanthropes…
C’est une jolie litote. En réalité, je n’en connais pas une qui soit autre chose qu’une machine destinée à générer d’énormes profits. La collusion manifeste entre la ministre de la Santé et la Mutualité est un des aspects les plus choquants de la réforme en cours.