Si la cataracte est une pathologie classique du vieillissement, fréquente à partir de 70 ans, il ne faut pas oublier qu’il existe aussi des cataractes congénitales, présentes donc dès la naissance et qui peuvent constituer de véritables urgences fonctionnelles dans la mesure où elles constituent un frein au développement de la vision. Le point commun chez l’adulte et l’enfant est la non-transparence du cristallin, acquise chez l’adulte et présente dès la naissance dans le cas de la cataracte congénitale.
Ces cataractes peuvent être d’origine génétique et on sera particulièrement vigilant chez les nouveau-nés dont les parents ont eux-mêmes présenté une cataracte à la naissance.
Elles peuvent également être la conséquence d’une maladie infectieuse contractée par la mère au cours de la grossesse, et la rubéole comportait à ce titre un risque extrêmement important de malformations oculaires parmi lesquelles figurait la cataracte. On peut aujourd’hui en parler presque au passé du fait de la généralisation de la vaccination, qui a rendu exceptionnelle cette maladie potentiellement grave chez la femme enceinte, alors qu’elle est relativement bénigne hors de ce contexte.
Enfin, certains médicaments pris au cours de la grossesse peuvent également avoir des conséquences sur le bon déroulement de celle-ci, et entraîner l’apparition de cataractes congénitales.
Les conséquences visuelles de la cataracte sont extrêmement variables selon son intensité et selon le fait qu’elle touche un seul œil ou les deux yeux.
L’entourage sera évidemment assez rapidement alarmé par un nourrisson au comportement visuel pathologique en cas de cataracte bilatérale totale, imposant une chirurgie bilatérale rapide.
Les choses sont moins faciles en termes de diagnostic lorsque la cataracte ne touche qu’un seul œil et/ou lorsqu’elle est partielle, la rendant alors compatible avec un comportement visuel normal ou quasi-normal. Bien-entendu, une cataracte unilatérale mais très évoluée peut tout simplement se voir sous la forme d’un reflet blanc de la pupille, mais en cas d’atteinte plus modérée, il faut accorder toute son importance à la présence d’un strabisme, qui peut être un signe indirect d’atteinte visuelle. C’est dire l’importance d’un examen spécialisé devant tout strabisme du nourrisson, a fortiori au-delà de l’âge de 6 mois.
Dans tous les cas, c’est l’examen ophtalmologique qui tranchera, au besoin sous anesthésie en cas de suspicion importante lorsque les conditions de l’examen au cabinet ne sont pas satisfaisantes.
La décision opératoire est évidente et urgente si :
– La cataracte est bilatérale et importante, incompatible avec le développement de la vision.
– La cataracte est unilatérale et importante, comportant alors le risque de développement d’une amblyopie sévère. En effet si la rétine de l’un des deux yeux ne reçoit pas précocement des informations visuelles de qualité, elle ne sera plus capable, ultérieurement, de reconnaître des informations visuelles, même après suppression de l’obstacle que constitue la cataracte.
A l’opposé, lorsque la cataracte n’est que partielle, et qu’elle n’empêche pas l’activité visuelle de l’œil concerné, la chirurgie doit être différée autant que possible, en maintenant une surveillance stricte, en général semestrielle. Toute accentuation de l’opacité du cristallin accompagnée d’une baisse des performances visuelles conduira à la chirurgie. Dans certains cas, la situation peut être très peu évolutive, conduisant à des chirurgies réalisées seulement à l’âge adulte.
La technique chirurgicale a longtemps été l’objet de discussions dans les cataractes congénitales, avec aujourd’hui un consensus sur une chirurgie techniquement proche de celle de l’adulte, c’est-à-dire ablation du cristallin avec conservation de l’enveloppe cristallinienne qui sert de support à l’implant dont l’usage est aujourd’hui systématique.
La principale difficulté de ces cataractes congénitales réside dans le choix de l’implant, qui est d’autant plus difficile que l’enfant est plus jeune. La croissance de l’œil est en effet importante au cours des deux premières années de la vie et il est donc difficile, chez un petit nourrisson, de prédire la puissance nécessaire de l’implant puisque celle-ci est étroitement liée à la longueur de l’œil et que celui-ci est encore en pleine croissance. La pose d’un implant à la « bonne » puissance chez un bébé de 3 mois, donc de forte puissance, expose ainsi à l’apparition d’une myopie importante ultérieurement du fait de l’allongement de l’œil. A l’opposé, l’utilisation d’un implant de faible puissance comporte le risque d’une vision de mauvaise qualité risquant d’aboutir à une forte amblyopie, surtout en cas de cataracte unilatérale. La vérité se situe généralement entre ces deux extrêmes, mais ceci explique l’intérêt de différer la chirurgie au-delà de l’âge de 2 ans quand cela est possible.
La tendance actuelle en matière d’implants est de privilégier les implants multifocaux lorsque cela est possible, c’est-à-dire lorsque la chirurgie n’est pas trop précoce. Les enfants ainsi équipés peuvent, dans les cas les plus favorables, mener une vie quasi-normale avec peu ou pas de lunettes. Les implants monofocaux gardent encore des indications importantes dans les cataractes opérées très précocement.